L'histoire
de la Gaule n'est pas dans les bibliothèques mais dans le sol...
(M. de Petigny)
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par
Alain Monnié |
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Une recherche menée sur place au moment de l'enfouissement de canalisations vers Cordemais n'a pas révélé de traces de voie romaine. Des éléments de chemins antiques auraient été observées en provenance de l'Angellerais sur le Sillon de bretagne. Ceci semble tout à fait plausible et l'analyse topographique pousse à croire que c'est bien par ce chemin que l'accès à la Loire devait se faire le plus aisément. Fraslin parle également d'observations de lieux empierrés au lieu-dit "Les Rochettes" près de l'étier du Syl. On se trouve bien loin d'une voie vers Rohars! On imagine mal qu'aucun vestige d'une voie romaine ne subsiste alors qu'une borne d'itinéraire serait intacte. D'habitude c'est plutôt le contraire qui se produit. Dans l'antiquité l'espace entre La Bouquinais et Rohars devait être très souvent sous les eaux de l'estuaire et les rochers de Rohars d'un accès difficile. Comment la pierre de Rudesse pourrait elle constituer une preuve d'un chemin ou voie antique vers Rohars puisqu'elle ne s'y trouve pas? Elle n'est pas non plus située dans la plaine alluvionnaire mais bien en limite des terres émergeantes de Bouée et pourrait se trouver sur tout autre chemin allant vers la Loire ou même marquer une limite. Le Haut Chemin se trouve de 7 à 10 mètres au dessus de la plaine de Rohars et représentait un accès plus naturel à la Rivière de Loire. page sur la topographie de Bouée Il faut savoir aussi que les romains, lorsqu'ils créaient leurs voies, évitaient les forêts pour des raisons de sécurité et les marais et tourbières pour des raisons de praticabilité. Alors que les voies romaines étaient traçées, creusées et aménagées et possédaient un soubassement d'un mètre minimum, les chemins du réseau secondaire finançés par les autorités locales ou même les propriétaires utilisaient beaucoup plus les accidents naturels du terrain. voir
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Sur la route de Rohars au lieu-dit la
Gautrais on observe une pierre dressée en plein champ en face de
Rudesse. Sur les cartes on la définit comme étant un menhir. A l'évidence il ne s'agit pas d'un
menhir car elle est polie alors que les menhirs sont toujours constitués
de pierres brutes ou grossièrement taillées. Mais dans la région une autre hypothèse avait été souvent avançée. Elle serait une borne milliaire en limite d'une voie romaine ! L'existence
d'une voie romaine allant de Blain à Rohars est couramment invoquée
par des auteurs d'articles, sites Internet ou livres. Certains disent
même, que dans
l'antiquité, Rohars était l'avant
port de Blain, cité des Namnètes.
Tous ces textes, dont le nombre pourrait conforter l'idée, ont en fait une origine unique, une note écrite au XIXème siècle par François Ledoux et surtout les interprétations hasardeuses qui en ont été faites. En
1875 François
Ledoux historien et archéologue amateur de Savenay publie un
article dans le Bulletin de la Société Archéologique
de Nantes et du Département de la Loire Inférieure -
pages 59 et 60 bulletin N°14. L'archéologue
amateur Louis Jacques Marie BIZEUL, notaire
à Blain (1785
- 1861) consacra une grande partie de ses loisirs à l'étude
des voies romaines et soutenait que Blain, dont il était natif,
était Corbilo le port celte dont parle Pythéas et était
devenue la capitale des Namnètes. En 1882 Pitre de Lisle
du Dreneuc reprend dans le bulletin - N° 21 page 114 - l'affirmation
de Ledoux : En 1908 Léon Maître
archéologue parle de la voie dans le bulletin N° 49. En 1925
D. Barthélémy dans un article du bulletin 65 intitulé "Une
cité ignorée de la Loire Inférieure : la Ville de Rohars" reprend
les affirmations précédentes.
- Barthélémy
invoque Bizeul mais celui-ci, d'après Ledoux, ne connaissait pas
la voie de Blain à Savenay et du reste il n'en a jamais parlé.
On peut admettre qu'il a réellement observé des traces d'anciens chemins antiques, mais au XIXème siècle on ne se préoccupait pas de distinguer les véritables voies romaines du réseau secondaire. Il a très bien pu toutefois déceler des traces de chemins qui accédaient au fleuve à Bouée. Il n'est pas encore question de notre pierre debout et Ledoux n'est même pas catégorique quant à l'accès à Rohars. En tout cas il a le mérite d'être le seul à argumenter à partir d'observations personnelles sur le terrain, observations qui se sont arrêtées, je le rappelle, à la limite de Bouée. Ce n'est qu'à partir de 1925 et l'article de Barthélémy que la stèle de Rudesse est devenue subitement une borne de voie romaine, la légende était en marche !
Elle est composée d'ouvrages écrits par des historiens de l'antiquité qui font un inventaire complet de toutes les connaissances et publications sur les sites archéologiques par départements et par commune. |
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Que
peut-on en dire ?
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Les
voies romaines étaient des routes impériales qu'il ne faut
pas confondre avec des pistes gauloises ou même des chemins secondaires
du réseau vicinal* de l'antiquité. Elles étaient
construites par les légionnaires romains avec des populations locales
soumises et des esclaves comme main d'œuvre. Or c'est le long
de ces voies romaines impériales que l'on trouvait des bornes d'itinéraires
tous les mille romains.
Le
réseau des chemins, pistes ou sentiers gaulois étaient important
et César reconnaît implicitement l'avoir utilisé.
Il a été souvent complété ou réutilisé
par les habitants de l'antiquité, romains et gaulois, pour tracer
des chemins vicinaux (via vicinalis) ou même des routes privées
(via privata). . |
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Une
carte, dite de Peutinger, nous renseigne précisément sur
les voies romaines. Cette table est une
copie réalisée par des moines de Colmar au XII° ou XIIIème siècle
d'une carte romaine datant du IV° siècle, elle-même probablement la copie
remise à jour d'une grande carte du monde peinte sur le portique d'Agrippa
à Rome. On appelle également cette carte Table Théodosienne, car elle représente les routes militaires romaines sous l'empereur Théodose. Grâce à cette carte, miraculeusement conservée et dont l'authenticité ne fait aucun doute, et l'étude d'itinéraires comme l'Itinéraire d'Antonin, nous connaissons très bien le vrai réseau des voies romaines. Sur
cette carte on retrouve bien la voie impériale romaine allant de
Nantes à Vannes en passant par Rieux, mais
pas de voie de Blain à Rohars. Du
reste la ville natale de Bizeul n'est pas mentionnée sur cette
carte. |
La carte de Peutinger des vraies voies romaines.
La
voie allant d'Angers à Rennes passait par Combaristum (Combrée
ou Châtelais) et Sipia (sans doute Veisseche près de la Guerche
de Bretagne). Il n'y a donc pas de Voie Romaine allant de Nantes
à Rennes comme on l'affirme quelquefois.
Entre les grandes voies AngersRennes
et Angers -NantesVannes ne peuvent donc exister que des voies secondaires
vicinales.
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Borne milliaire de Brimont,
dans la Marne sur la voie Reims-Bavay |
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Les bornes milliaires*
jalonnaient les véritables voies impériales romaines. Implantées sur l'ensemble du parcours elles avaient des dimensions imposantes et pouvaient peser jusqu'à 2 tonnes. Elles portaient des inscriptions, la plupart du temps gravées en creux sur la borne elle-même. Elles étaient de forme cylindrique et se trouvaient précisément au bord de la voie. Le texte comportait
un certain nombre de renseignements pour le voyageur :
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Quelques
bornes milliaires retrouvées en France
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Cenon |
Chelles |
Consac |
Frénouville |
Vichy |
On
ne peut pas dire, comme Barthélémy, que la pierre de Rudesse a absolument l'allure
d'une borne de voie romaine !
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Alors si cette pierre n'est ni un menhir, ni une borne milliaire que pouvait-elle être ? L'historien
Dominique Frère apporte la réponse : La
stèle de Rudesse pourrait donc marquer une sépulture gauloise?
Voici sa réponse en date du 14 février 2005
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J'ai également été contacté en 2017 par monsieur Axel LEVILLAYER, archéologue, qui s'est déplacé à Bouée sur le site de Rudesse. Il a confirmé la nature de la stèle et m'a informé qu'il mène une recherche sur les stèles gauloises du département.
Axel LEVILLAYER |
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Les indications de Dominique Frère et d'Axel Levillayer ne nous laissent plus aucun doute, il s'agit donc bien d'une stèle gauloise funéraire. On
ne peut évidemment pas exclure un déplacement de la pierre
hors de son contexte.
Elle pourrait donc avoit été placée pour la navigation ou être un repère géographique marquant l'accès au fleuve. Stèle funéraire du second âge du fer devenue borne pour la navigation ou simplement borne de repère ? Il faut savoir que notre stèle n'a rien d'exceptionnelle puisqu'il en existe à peu près un millier rien que dans le Morbihan ! |
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D'autres stèles gauloises
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Il
s'agit donc bien d'une stèle gauloise du second âge du fer, le doute n'est
plus permis.
NOTA - Barthélémy
prétend aussi qu'en mesurant la distance de Blain jusqu'à
la stèle on trouve aussi exactement que possible en la circonstance
(?), admirons la formule, 15 milles romains soit environ 22km215.
Vu la marge d'approximation, qui est de 1km481, il est très facile
de trouver la distance voulue compte tenu que l'itinéraire exact
du chemin antique supposé reste flou. |
Comme souvent j'ai "honteusement"
(et sans aucun remords...) puisé dans des sites Internet beaucoup
de mes informations et images sur les voies romaines, bornes milliaires
et stèles que j'ai pu ainsi largement recouper avec de la documentation
personnelle.< Bibliographie |